Kan er nog eentje bij?
Na een eerste, oppervlakkige lezing van de werkgelegenheidsstatistieken die afgelopen vrijdag door het Amerikaanse ministerie van arbeid werden gepubliceerd, schrok een deel van de financiële gemeenschap zich een spreekwoordelijk hoedje. Nadat enkele dagen eerder het aantal nieuwe vacatures ook al een verrassende toename liet optekenen, nam nu ook het aantal nieuw gecreëerde banen schrikbarend toe, met een stijging die de boudste voorspellingen verpulverde.
Pour couronner le tout, le chiffre du mois précédent avait également été revu (solidement) à la hausse. Tout le monde s’imaginait donc que la Fed se saisirait de ces chiffres pour rehausser encore d’un cran son taux directeur, jusqu’à ce que l’économie finisse par flancher.
Initialement, l’on pensait ainsi que les nouvelles statistiques publiées inspireraient une nouvelle hausse des taux d’intérêt en novembre, plus rapidement donc que les attentes les plus pessimistes, battant en brèche au passage le consensus selon lequel les taux d’intérêt à court terme avaient atteint leur maximum après la dernière hausse du 27 juillet.
Le refroidissement du marché du travail que la banque centrale américaine souhaitait provoquer par une salve interminable de hausses des taux d’intérêt s’avérait donc une fois de plus être une chimère. Nous n’en sommes d’ailleurs nullement surpris, car la solidité du marché du travail est due à des évolutions démographiques facilement prévisibles, totalement étrangères au développement économique, que la Fed tient tant à encourager. Un carton rouge pour elle.
Mais notre cri dans le désert a été entendu cette fois. Une analyse un rien plus approfondie nous apprend en effet que, pour admirables qu’ils soient, ces chiffres ne sont nullement spectaculaires : les 336 000 (!) nouveaux emplois créés le mois dernier ne comprenaient pas moins de 175 000 embauches dans l’enseignement. (Cela ne devrait pas vous surprendre puisque les chiffres se réfèrent au mois de septembre...). Pour le reste, il s’avère que 40 000 emplois supplémentaires ont été créés dans l’horeca. Ce secteur est toujours en phase de rattrapage après la destruction massive d’emplois durant la période la plus aiguë de la crise du covid.
Par ailleurs, « seuls » 60 000 nouveaux emplois ont été créés dans le secteur non public de l’économie. Ce chiffre est tout à fait conforme à la moyenne des 25 dernières années, de sorte qu’il n’y a pas lieu de craindre une escalade des tensions salariales sur le marché du travail. Avec une augmentation de 0,2 % sur base mensuelle, le taux de croissance de la masse salariale est même resté inférieur aux attentes, tandis que l’inflation salariale s’est stabilisée à un niveau annualisé de 4,15 %. Compte tenu de la baisse progressive de l’inflation de base, cela suffit pour une croissance réelle des revenus.
Après avoir piqué du nez, les marchés boursiers ont donc vite compris le caractère positif des chiffres, ce qui s’est traduit par un rebond remarquable des cours. En particulier dans le secteur technologique sensible à la croissance, qui ne devrait plus autant craindre de nouvelles hausses des taux directeurs susceptibles d’entraver les progrès économiques dans un avenir proche.
La probabilité d’une nouvelle hausse des taux directeurs américains lors des prochaines réunions du FOMC en novembre, décembre et janvier est ainsi tombée entre-temps à moins de 30 %. Mieux encore, le niveau actuel du taux directeur à 5,25 % ne serait pas maintenu aussi longtemps qu’on le craignait il y a quelques semaines. Et les premières baisses des taux directeurs pourraient intervenir dès juillet et novembre 2024.
Entre-temps, l’étau monétaire européen a également desserré sensiblement son emprise : le marché n’anticipe plus de nouvelles hausses du taux directeur de la BCE. Mais, compte tenu de la persistance de l’inflation de base, les baisses de taux d’intérêt restent malgré tout encore relativement éloignées dans le temps, quelque part au début de 2025. Autant dire une éternité, compte tenu de l’accélération de la spirale des événements géopolitiques, très proches du continent européen.
L’amélioration des perspectives d’évolution des taux d’intérêt directeurs doit beaucoup aussi à la baisse progressive de l’inflation de base aux États-Unis. Une évolution qui d’ailleurs ne progresse qu’avec une lenteur déconcertante de notre côté de l’Atlantique.
Une nouvelle salve de chiffres sur l’inflation est imminente. Les dernières statistiques sur l’évolution des prix de gros et de détail aux États-Unis seront publiées les 11 et 12 octobre, respectivement. Si la hausse des prix de l’énergie aux États-Unis ne devrait pas permettre au taux d’inflation général de diminuer davantage ce mois-ci, la composante de base de ces indicateurs d’inflation devrait poursuivre sa tendance à la baisse.
Sans les interventions inconsidérées de la Fed, l’inflation de base se serait déjà calmée beaucoup plus rapidement si la forte augmentation des coûts d’emprunt n’avait pas obligé les entreprises à augmenter encore leurs prix pour préserver leurs marges bénéficiaires. La forte hausse des taux hypothécaires, en particulier, a alimenté l’inflation. Dans son empressement à refroidir l’activité de construction (qui représente 2 % du marché du travail) par des taux hypothécaires plus élevés, la Fed a largement épuisé la réserve de logements disponibles sur le marché locatif, entraînant ainsi une hausse des loyers. Et ces loyers déterminent maintenant plus d’un tiers de l’évolution de l’inflation de base... Il est difficile de trouver un exemple plus poignant de l’effet contre-productif d’une politique à courte vue.
Si la probabilité de nouvelles hausses des taux d’intérêt à court terme s’est considérablement réduite pour l’instant, ce scénario positif n’est pas tout rose. Désormais, l’essentiel des politiques restrictives des banques centrales des États-Unis et de la zone euro est en effet assuré par des taux d’intérêt à long terme nettement plus élevés. Le récent bond des rendements des obligations d’État à 10 ans est surprenant compte tenu de la décrue progressive de l’inflation de base.
Graphique 1 : Taux d’intérêt américain et européen (obligations d’État à 10 ans)
Cette évolution inattendue s’explique principalement par les ventes substantielles d’obligations d’État et d’entreprises que les banques centrales déversent sur les marchés obligataires par vagues impitoyables. Elles cherchent ainsi à ramener le volume des obligations à revenu fixe dans leurs bilans à un niveau de (environ) 8 % du PIB, après avoir atteint 12 % (et plus).
Ce niveau très élevé avait été atteint à la suite des achats massifs d’obligations en 2020 et 2021 qui avaient pour but de faire chuter les taux d’intérêt à long terme pour contrer les effets pervers de la pandémie. Une politique qui avait magistralement réussi. Le fait que celle-ci était appelée à s’arrêter et même à s’inverser un jour était certes inscrit dans les étoiles. Mais, normalement, on procède graduellement en ajustant la manœuvre aux conditions économiques.
En tout cas, cela ne devrait pas perturber le marché. Une telle politique de Quantitative easing devrait avoir autant d’effet sur les marchés obligataires que « watching paint dry ». C’est ce qu’avait déclaré Janet Yellen en prenant la présidence de la Fed (avec brio) en 2017. Une position effrontément ignorée par l’actuel responsable de la politique monétaire qui, en appliquant mécaniquement une mesure linéaire grossière, a bombardé sans pitié des marchés obligataires pris au dépourvu à coups de ventes massives.
Reste à savoir à quel niveau les gouverneurs de la Fed estiment que le bilan de la banque centrale se sera suffisamment réduit pour mettre fin à leur politique de vente asphyxiante. Une question qui restera sans réponse. Parce que, vu l’absence de justification économique à de telles actions de la banque centrale, il nous est impossible de notre côté d’essayer de déterminer rationnellement où et quand une telle politique aura atteint son objectif.
Graphique 2 : Taux d’intérêt à long terme américain et ventes par la banque centrale américaine
Il est néanmoins important de le savoir, car ce n’est qu’à partir de ce moment-là que les marchés financiers pourront tenter de ramener les taux d’intérêt à long terme à un niveau correspondant à la croissance économique et à l’inflation de base attendues.
Ce point de basculement ne sera peut-être pas atteint avant le second semestre 2024. Lorsqu’on y verra plus clair à cet égard, les marchés financiers l’anticiperont et les prix des obligations pourraient reprendre le chemin de la hausse sur lequel les marchés d’actions se sont déjà largement engagés.
Les cours des actions ont en réalité déjà bien intégré ces développements, grimpant encore, dans une trajectoire certes très irrégulière, vers de nouveaux niveaux records, ce qui n’est pas sans provoquer quelques froncements de sourcils au vu des valorisations audacieuses des actions américaines. Contrairement à la plupart des entreprises européennes, les actions américaines se négocient à des ratios cours/bénéfice qui laissent encore peu de place à l’imagination, en particulier dans le secteur technologique. Mais l’avenir appartient aux audacieux. Ou du moins à ceux d’entre eux qui font preuve de la patience nécessaire et peuvent encaisser des coups durs.
Entre-temps, nous ne pouvons que constater avec dépit qu’on laisse l’inflation en Europe continuer à naviguer allègrement à un niveau élevé, alors que les prix mondiaux des denrées alimentaires ont baissé de manière significative, que les cours européens du gaz sont tombés à moins de la moitié de leur niveau d’avant l’invasion russe de l’Ukraine, que les prix du pétrole et les coûts de transport ont à peine augmenté, et que les cours des principales matières premières évoluent depuis déjà longtemps dans des eaux nettement plus basses. Nous sommes descendus dans la rue en mai 68 pour bien moins que cela.
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