L’Amérique vire au rouge vif

Tout indique que Trump va - largement - remporter l’élection présidentielle américaine de 2024. Les médias annonçaient un scrutin très serré, sous-estimant en cela (une fois de plus) le système des grands électeurs qui tend à amplifier les tendances. De leur côté, les marchés financiers l’avaient mieux appréhendé en tablant plus clairement sur une victoire du candidat républicain avec une probabilité de plus de 70 %.

Une majorité républicaine semble également se former dans les deux chambres. Nous aimerions davantage voir émerger une composition asymétrique mais les décisions importantes requièrent une majorité qualifiée et il semble que le GOP n’atteindra pas ce niveau.

Les marchés d’actions américains, qui accordaient leur préférence à Trump, ont célébré sa victoire face à Harris par un rallye boursier mesuré. Les investisseurs estiment que l’inconstance légendaire de Trump valait mieux en définitive que la voie économique incertaine dans laquelle la candidate démocrate voulait engager le pays.

À moyen terme, cependant, l’imprévisibilité du républicain sera un facteur négatif pour les marchés d’actions. Certes, on peut penser que l’impact positif de politiques plus favorables aux entreprises compensera ce facteur, mais la tendance haussière de la bourse américaine n’en sera pas moins soumise à de très fortes tensions.

Pour leur part, les bourses européennes devront dans un premier temps intégrer dans les cours la perspective négative d’une hausse des droits de douane et de restrictions commerciales, mais tout porte à croire que cela s’est déjà largement produit au cours des semaines précédentes, lorsque la victoire de Trump était devenue une quasi-certitude (pour les marchés financiers). Au fil du temps, les investisseurs finiront par se rappeler que les 600 entreprises de l’indice Eurostoxx ne réalisent en moyenne que 6 % de leur chiffre d’affaires aux États-Unis.

Nous nous attendons à un environnement favorable aux entreprises, mais Trump devrait démanteler également toutes sortes de mesures écologiques et lancer des initiatives destinées à doper encore la croissance économique américaine. Une telle politique nous semble cependant inutile dans la mesure où la croissance américaine est déjà assez robuste (quoique répartie inégalement). Elle risque donc de réalimenter l’inflation. Et donc d’inciter la Fed à ralentir son cycle de baisse de ses taux directeurs.

Il ne fait aucun doute que le président américain profitera de sa position de force pour déployer son arme favorite, à savoir l’augmentation des tarifs. Une politique insensée et stupide car elle accroît l’inflation domestique et les taux d’intérêt à long terme, sur fond d’appréciation du dollar, affaiblissant ainsi (légèrement) la position concurrentielle internationale des États-Unis. Cette perspective favorise le renforcement du poids des sociétés américaines dans notre sélection d’actions, mais réduit considérablement l’attrait des obligations en dollars américains. Les banques, l’énergie fossile, mais aussi certaines entreprises à forte capitalisation dans le secteur de la technologie devraient être les premières à évoluer à la hausse. Mais ce scénario est loin d’être gravé dans le marbre avec ce personnage fantasque au pouvoir, entouré de nombreux fanatiques qui le suivront dans toutes ses lubies, sans que son propre parti, plus que jamais à ses pieds, ne puisse tempérer ses ardeurs.

Normalement, la victoire de Trump devrait également donner le coup d’envoi à un rallye boursier des sociétés pharmaceutiques, mais, pour l’instant, la perspective que le radical R.F. Kennedy Jr. ait voix au chapitre dans la politique de ce secteur effraie (à juste titre) les investisseurs.

Le premier test sera de voir si le président élu peut effectivement réussir à mettre fin rapidement au conflit militaire en Ukraine ou au moins à entamer des pourparlers de paix sérieux. En cas d’échec, ni lui ni ses partisans ne se gêneront pour rejeter la faute sur l’Europe. 

Des marchés boursiers en hausse, des taux d’intérêt à long terme qui remontent, des attentes d’inflation plus élevées, un dollar plus fort... tout cela, c’est à court terme.

Politische Börsen haben kurze Beine (« Les bourses politiques ont la vie courte »),  disent nos voisins de l’Est. Ensuite, nous verrons bien. Nous savons comment nous adapter à ce loriot.